Du messianisme à la conscience universelle
Le messianisme a-t-il encore un avenir ?
1er extrait :
Imaginons un être qui habite au bas d’une montagne surmontée sans cesse d’une épaisse couche de nuages. Dans sa soif de connaissance, il décide un jour de gravir cette montagne réputée inaccessible. Le voici qui monte, grimpe, sue, s’égratigne dans les passages difficiles, s’accroche avec persévérance aux rocs et traverse enfin la couche de nuages. Là, il contemple enfin le soleil. Que fait-il ? Il redescend pour annoncer la bonne nouvelle aux autres. Ainsi, un être porteur d’une conscience éveillée est aussi un éveilleur capable de montrer le chemin dont nous sommes séparés par le voile de l’ignorance. Tel est le sens des messies qui démontrent qu’il n’y a pas de frontière entre le monde en nous et celui autour de nous. La séparation est une illusion mécanique liée à nos croyances inconscientes, héritées des strates mentales.
L’ego ne serait-il pas l’interface d’une conscience qui s’auto-expérimente lors de son passage terrestre ? Le « Sauveur extériorisé » de la religion chrétienne, qui rachète les péchés, n’est-il pas l’exemple suprême de notre propre capacité messianique enfouie, qui consiste à transmuter nos fautes et nos défauts ?
2ème extrait
Que représente donc le messianisme pour les chrétiens ? Le messianisme chrétien est une parousie, c’est-à-dire le retour glorieux du Christ à la fin des temps. La parousie est le retour suprême du Christ au terme d’une apostasie (départ de la foi). Le Messie revenu apportera l’instauration du royaume de Dieu. Il sera alors reconnu par toute la Création, les vivants et les morts. Mais attention, la fin des temps n’est pas forcément la fin du monde, et auparavant le Christ aura une contrepartie obscure : l’Antéchrist.
Du grec antikhristos, l’antéchrist est un concept chrétien et musulman. Ce mot apparaît peu de fois dans la Bible chrétienne (Première épître de Jean, chap. 2, versets 18 et 22) et semble décrire un simple corrupteur de la foi chrétienne. Quant à Matthieu, il met également en garde contre les « faux christs » (chap. 24, verset 5) en des termes qui ressemblent étrangement aux écrits de la MiSHNaH sur les temps annonciateurs du Messie.
2ème extrait
La notion de messianisme n’a pas nécessairement une signification religieuse. On peut considérer que les notions d’égalité, de fraternité, de socialisme ou de démocratie répondent à des attentes messianiques laïques. Tout changement politique, toute révolution expriment la fin d’un système et veulent hâter un temps de justice dans une société. C’est d’ailleurs toute la différence entre révolution et évolution :
• Le messianisme politique est basé sur des mouvements sociaux, des changements politiques ou des révolutions parfois sanglantes afin d’instituer rapidement un renouveau. Malheureusement, il arrive aussi que cela débouche sur une dictature ou un nationalisme exacerbé.
• Le messianisme spirituel est tributaire des évolutions de conscience de l’humanité, individuellement et collectivement. Il arrive en son temps dans un processus évolutif. L’apogée de ce messianisme est une harmonie universelle.
Mais ce n’est pas aussi tranché et monolithique, car le messianisme peut tout aussi bien procéder du politique que du spirituel en même temps. Pour Sri Aurobindo, la politique est rattachée à l’histoire d’un pays, ce dernier étant lui-même inscrit dans le continuum historique mondial qui suit un processus évolutif. La politique appartient donc à l’histoire qui a pour dessein la réalisation du Divin.