Dans ce livre passionnant, Lionel Loiseau nous livre tous les rouages utilisés par les grandes sociétés pour créer des besoins trop souvent artificiels et éphémères. Comment alors utiliser intelligemment et librement cette technologie ?
Quelques extraits du livre :
Les réseaux sociaux et nos vrais « amis»
Les réseaux sociaux sont des«lieux»de sociabilité inédits dans notre histoire. Ils nous conduisent à repenser nos relations d’amitié enprofondeur.
On constate ainsi qu’un célèbre footballeur, qu’une incandescente chanteuse sud-américaine et qu’un acteur musculeux cumulent individuellement plus de cent millions d’amis sur Facebook. Pourtant, Aristote le disait déjà : « Ce n’est pas un ami celui qui est l’ami de tous. »
On l’aura compris, nos « amis » sur les réseaux sociaux ne sont pas tout à fait les mêmes que ceux de notre « real life ».
Avec le numérique,nous sommes passés à une société d’individualisme en réseau,où le lien social fort, physique, traditionnel et amical est complété par des liens faibles, numériques, nombreux et variés, créant ainsi une nouvelle chronologie affective fondée sur l’hyperconnectivité et l’immédiateté.
C’est une nouvelle manière d’exister aux yeux du monde et des autres,où nous pouvons cultiver des rapports continus avec des amis sans contrepartie d’intimité, où nous pouvons entretenir l’illusion de la compagnie sans les exigences de l’amitié.
Et le numérique dans tout ça ?
Dans ce contexte, le numérique est plus que le digne héritier du productivisme et de notre civilisation extractiviste et «thermo-industrielle». Dans le monde réel comme dans le monde virtuel, l’abondance généralisée d’ordinateurs, de téléphones, de tablettes, de serveurs, de puissance de calcul et de transmission, d’objets connectés, s’effectue au détriment de la facture — ou plutôt du « fardeau » —écologique.
Dépendant exclusivement de l’énergie électrique, l’empreinte écologique du numérique est loin d’être négligeable, même si elle paraît moins visible que la consommation en CO2 de nos véhicules2. Il nous paraît difficile de croire que nous polluons en papillonnant sur Internet depuis notre canapé. Et pourtant, si Internet était une nation, elle serait la troisième plus grosse consommatrice d’électricité de la planète.
Dans un rapport de juillet 2019 baptisé «Climat: l’insoutenable usage de la vidéo en ligne», le Shift Project expose en contexte que le numérique émet 4 % des gaz à effet de serre du monde, soit davantage que le transport aérien civil. Cette part pourrait doubler d’ici 2025 pour atteindre la part actuelle des émissions des voitures.
Nous le savons, trois Français sur quatre utilisent un smartphone quotidiennement. Cetobjet devenu indispensable est peut-être celui qui nous connecte le plus au monde, mais aussi, paradoxalement, celui qui nous éloigne le plus de la nature.
Car ces objets connectés sont de véritables désastres écologiques. À eux seuls, ilscristallisent tous les grands enjeux environ- nementaux du numérique. Ils sont gloutons en énergie, fabriqués à partir de matériaux rares et toxiques dont l’extraction pollue les sols, les eaux, et défigure le paysage. Leur obsolescence est programmée, mais les dispositifs de recyclage sont sous-développés dans les mêmes proportions.