1er extrait
Léonard de Vinci ou l’art au service du mysticisme
L’hypothèse selon laquelle Léonard de Vinci a été membre d’une société secrète, voire Rosicrucien, fut popularisée par le célèbre Da Vinci Code de Dan Brown, qui a puisé dans des recherches plus anciennes. En effet, bien avant la publication de ce livre, un certain nombre d’auteurs avaient déjà acquis la certitude selon laquelle l’artiste avait eu accès à des connaissances non conventionnelles pour le XVe siècle,connaissances particulières qui lui auront permis de parachever aussi bien son travail que son esprit. Telle est la conviction de Paul Vulliaud, de Fred Berence, de Marcel Brion, d’Ananda Coomaraswami, de René Huygues, d’Harvey Spencer-Lewis− ancien responsable mondial de l’Ancien et Mystique Ordre de la Rose-Croix−, et cette liste n’est pas exhaustive. Au fil des pages, ces auteurs montrent combien Léonard de Vinci était de toute évidence très familier avec les principes de l’hermétisme, de l’alchimie, de la géométrie sacrée, ou encore avec les Mystères antiques.
Certains voient même, dans l’épisode de la Caverne raconté dans le Codex Arundel, la description à peine voilée d’une initiation. Il convient également de ne pas négliger le débat autour d’un possible séjour en Égypte de plusieurs années. D’autres encore voient dans son régime végétarien la preuve de son attachement au Pythagorisme initiatique.
Nous pouvons alors faire nôtre ce constat de Serge Hutin (1929-1997) : «Léonard de Vinci fut bel et bien un initié ».
2ème extrait
Michael Maïer, un Rosicrucien à la cour des Habsbourg
Michael Maier apparaît bien comme un personnage « paracelsien », à la croisée des chemins, aussi bien dans l’espace européen (avec ses voyages, ses séjours à la cour des Habsbourg en Bohême, dans l’Angleterre post-élisabéthaine, en Alsace, en Suisse), que dans le contexte historique où l’Europe passe progressivement de la Renaissance au XVIIe siècle baroque.
Avec Robert Fludd et Francis Bacon, Michael Maier forme un trio remarquable de Rosicruciens, préconisant des voies pour transformer le monde, les relations humaines et la marche de l’humanité vers la Sagesse. Leur influence ne se démentira pas tout au long du XVIIe chez les alchimistes anglais: elle sera au cœur des Cercles de Hartlib à l’origine de la Royal Society, : il en sera question avec Isaac Newton qui annotera dans ses Carnets des copies de manuscrits de la plume de Michael Maier.
3ème extrait
Paracelse, l'ermite médecin
Tout en donnant une impulsion nouvelle à la médecine, le Souabe insufflera des idées tout aussi novatrices à l’alchimie : on reconnaîtra ses disciples au fil des siècles en Michael Maier, Robert Fludd, mais aussi Jacob Boehme (1575-1624), Martinès de Pasqually, Louis-Claude de Saint- Martin, Samuel Hahnemann (1755-1843), Johann- Wolfgang Goethe (1749-1832) ; il fut admiré plus près de nous, comme nous l’avons vu, par Sédir et par Jung…
Ainsi, tout à la fois ermite et pèlerin, Paracelse fit partie, avec Valentin Weigel (1533-1588) et le Rosicrucien Daniel Mögling (1596-1635), ami de Kepler, de ces Lumières qui éclairèrent le ciel européen à la Renaissance allemande. La question peut alors se poser de sa qualité de Rose-Croix. Si le manifeste rosicrucien de la Fama Fraternitatis l’exclut, il est clair que cette Fraternité s’en inspira, reconnaissant en Paracelse un « des hommes dignes qui [...] nous laissèrent à nous qui leur succédons le soin de les suivre [...] bien qu’il ne fût pas un de notre Fraternité. »
4ème extrait
Baruch Spinoza, un rationaliste panthéiste
Plus récemment, l’historien contemporain Marc Bedjai a détaillé chez Spinoza cette influence toute rosicrucienne venant de son « professeur de latin » : la pièce de théâtre hermétiste Philedonius du maître fait ainsi écho à l’Éthique de son élève. Y sont abordées : l’alchimie, tant opératoire que spirituelle, et l’Éthique libératrice, cette « éternité dans la vie », nous dit Marc Bedjai, qui réjouissait Spinoza. Pour cet auteur, l’Éthique « est bien l’expression rigoureuse, formalisée et définitive du système de la Nature hermétique ». La parenté entre les deux Hollandais va jusqu’à se retrouver dans les mots : « Sentio hoc : procul joci ! », s’exclame le personnage représentant l’Éternité dans le Philedonius, tandis que le philosophe Baruch a pu écrire dans l’Éthique :
« Sentimus, experimurque, nos aeternos esse !» (« Nous sentons et expérimentons que nous sommes éternels »)
À l’époque où Spinoza fréquentait l’école de latin de Van den Enden, bien avant la fin de la Guerre de Trente Ans, le dernier bastion de tolérance religieuse en Europe qu’étaient devenues les Provinces-Unies tombait : le peintre rosicrucien Johannes Torrentius n’échappa au bûcher qu’avec l’intervention du roi d’Angleterre. Les membres de la Fraternité durent se faire encore plus discrets, en raison des persécutions. Là se situe peut-être l’habitude que prit Spinoza d’apposer à la fin de ses textes un sceau représentant une rose, placée au- dessus du mot latin caute qui signifie « avec prudence », en accord avec la situation du philosophe après l’hérem qui le frappa, et face à la nouvelle situation politique du pays. En raison de ces éléments, nous pouvons avancer que l’auteur de l’Éthique était membre de la Fraternité rosicrucienne, appartenance des plus discrètes qui expliquerait l’œuvre tout entière.